Bloodsport est le film que je choisis si on me demande de n’en garder qu’un seul. Voilà, c’est dit, écrit, acté, signé. Bloodsport est l’oeuvre qui m’a suivie durant mon enfance, mon adolescence, ma vie d’adulte. Aucune étape importante de ma vie ne s’est faite sans lui, sans les précieux conseils de Senzo Tanaka, mon shidoshi de vie, celui à qui je rends hommage chaque jour. Intellectuellement, j’ai trois piliers : Pier Paolo Pasolini, Arthur Schopenhauer et Senzo Tanaka. Mon shidoshi m’a appris à ne pas tressaillir pour avoir l’esprit d’un combattant. Rien que pour cette raison, Bloodsport est le numéro un de mon panthéon personnel. Petite précision tout de même, je ne suis pas suffisamment idiot pour affirmer que Bloodsport est le meilleur film du monde mais il est mon préféré. De loin. Il est aussi un marqueur de mes liens d’amitié, j’ai regardé Bloodsport en compagnie de tous mes gars certains, de tous ceux qui comptent vraiment. Voir Bloodsport en ma compagnie, c’est faire partie de la famille.

Bloodsport est bien sûr le premier film mettant en vedette Jean-Claude Van Damme. L’histoire de la production du film est entrée dans la légende mais on va reprendre pour les trois du fond qui ne suivent pas : Jean-Claude rencontre Menahem Golan à une petite sauterie, lui fait une petite démo, là, comme ça, au débotté, juste devant lui. Golan interloqué l’invite dans son bureau et JC lui fait son fameux grand écart. Le nabab de la Canon s’allume un gros bâton de chaise, sort un vieux scénar qui prend la poussière au fond d’un tiroir et bim ! Le contrat est signé. Histoire ou légende, on ne sait pas vraiment. Tout, autour du film, est entouré d’une aura mythique, entre extrapolation, vérité factuelle et mythomanie complète. Cette rencontre sera décisive pour Jean-Claude. Bloodsport est le film fondateur de tout un pan de la galaxie Van Damme de la fin des années 1980, début 1990. C’est la rencontre entre Lars, James et Cliff en 1982 quoi. On ne trouve que les champions de Jean-Claude à tous les postes clés : Golan et Globus à la prod, Sheldon Lettich (futur réalisateur de Double Impact, The Order et Hard Cops pour JC mais aussi de Only The Strong avec Mark Dacascos) au scénario, Mark Di Salle (futur co-réalisateur de Kickboxer avec David Worth, chef op de Bloodsport) à la production et Jean-Claude himself assurera un remontage du film car il n’était pas satisfait du montage initial de Carl Cress, le monteur oscarisé de La Tour Infernale. Le tout sera dirigé par Newt Arnold (un assistant réalisateur au CV long comme un grand écart facial : Cameron, Friedkin, Scott, Donner, Hughes, Hooper, McT…). Sur le ring, Michel Qissi, futur Tong Po de kickboxer joue Paredes et Paulo Tocha, qu’on verra dans Coup Pour Coup et In Hell, est la vraie vedette du film : Paco, le gars du muay thaï. Huss Huss ! 

« Bloodsport reste à ce jour le meilleur film d’arts martiaux américain »


Jusque là, tout va bien, tous les gars se cassent à Hong Kong pour tourner le bordel et ça se passe nickel. Bloodsport, tourné initialement pour le marché vidéo, fait un tel carton que les fans réclament une sortie officielle en salle, qu’ils obtiendront en France et en Malaisie. Le film se classa même numéro un en France. On savait apprécier les bons films à l’époque. Bloodsport reste à ce jour le meilleur film d’arts martiaux américain. Porté par Jean-Claude Van Damme dans l’un de ses plus grands rôles. Bloodsport déroule les scènes de légende « le Dim Mak« , le combat final contre Chong Li, le coup de la pièce contre Hossein, la course poursuite, la scène du jeu vidéo et bien sûr l’entraînement « moi, c’est le poisson ma spécialité ». C’est pour toutes ces raisons et bien d’autres encore que Bloodsport est désormais un classique incontournable pour tous les fans de séries B d’action typée 80’s. Un talisman, un phare, un totem dans ma vie d’homme adulte. C’est pour vous, shidoshi !

Jean-Claude Van Damme, petit slip, muscles huilés et raie de premier communiant incarne Frank Dux, véritable légende des arts martiaux dont le tableau de chasse est épinglé à la fin du film. Dux, à prononcer Dux, comme Dusse mais avec un X et pas Dox ou Deuksse, est aussi consultant et coordinateur des combats sur le film. D’abord copains comme cochons, Dux va finir par attaquer le belge en justice pour une sombre histoire de gros sous et de gros égos dont Van Damme sera innocenté. Aux dernières nouvelles les deux hommes ne se parlent plus. Ah oui, Franck Dux est un des plus gros mytho de l’histoire du sport et du cinéma. On n’est pas dans le petit bobard glissé sous le manteau, non, là, c’est dans le registre de la maladie mentale pure et simple. Petit exemple, en fin de film, Dux annonce détenir le record de « 56 KO consécutifs dans un tournoi ». Alors ouais, il est gentil Franky mais j’ai calculé et j’ose affirmer sans trop de doutes que le mec se fout de notre gueule et pas qu’un peu. Si on part du principe qu’il gagne tous ses combats du premier au dernier, ça donne 56 tours à élimination directe. Pour mener un tel tournoi nous avons besoin de plus de quatre milliards de combattants. Soit approximativement tout ce que la planète Terre compte d’êtres vivants, invertébrés compris. Mais pourquoi pas après tout, on parle de Frank « putain de » Dux, un type qui, un jour, devant une équipe de télévision, a fait marcher un paralytique. Plus Marcel Beliveau que Bruce Lee.?

Mais, le plus important ce n’est pas le film mais son sujet : DUX. Le Duc de la bagarre. Une des seules cinq personnes au monde à maîtriser la technique de la Burning Palm ce qui, dans le film, sera nommé « Dim Mak ». Bon, c’est con mais personne n’a jamais vu Franck l’exécuter pour de vrai. Il n’existe aucune preuve filmée de la chose, mais sur la vie de Tata, la vérité, il l’a fait, hein Serge ? En vrai, Frank a soixante piges, il est né à Toronto avant de bouger vers la Californie quand il était gamin. Pour le reste, on se fie à ce qui est montré dans Bloodsport, mais aucune manière de savoir si tout cela est vrai ou non. A partir de maintenant, je vous préviens, on va beaucoup employer le conditionnel. Durant sa jeunesse il se serait entraîné en restant assis au fond d’une classe et en copiant les mouvements à la manière de San Te dans la 36ème Chambre de Shaolin. Franky est entouré de légendes, il est un sacré chatard tout de même. Du haut de ses treize ans, il bastonne d’une seule droite Vic Moore, un type qui aurait battu Chuck Norris et Bruce Lee en combat singulier. Oui, un mec qui savate Bruce Lee, se fait étendre d’une seule droite par un Dux encore ado. La classe ou pas ? Comme il est balèze, Frank se fait coacher par Jack Seki, un élève de Jigoro Kano, l’inventeur du Judo. Tout ça pour un Dollar par mois. Franchement, même chez Tati sport, on ne te fait pas des prix comme ça.

« Après tout ça, pas étonnant que Frank fasse marcher un handicapé »

Mais bordel, je pensais que c’était Senzo Tanaka moi son maître et pas Jack Seki mes couilles là, qu’est-ce que c’est que cette diablerie ? Non en fait Senzo, dans une des innombrables versions de l’histoire, est le daron de Jack Seki qui, en 1943, aurait changé son nom en Jack Haywood. Ahhhhhh Oooooooooookayyyyyyyyyyy. Jack Seki serait alors en fait Shingo dans le film ! Ce qui n’a plus aucun sens vu qu’il crève au bout de vingt minutes.

Si je tente de résumer tout ça, Senzo « Tiger » Tanaka, le daron de Jack Seki qui aurait changé de nom, serait un mystérieux maître ninja japonais lié à une société secrète de combattants nommée Kokoryukai Black Dragon Society qui aurait envoyé son fils prendre des cours auprès de Jigoro Kano, soit la plus grande des légendes des arts martiaux. Senzo Tanaka serait aussi le mec qui aurait rectifié l’autre légende Hou Yuanjia (le personnage joué par Jet Li dans le film Fearless) pour mettre fin à je ne sais plus trop quelle guerre. Bon Franck ne sait plus trop lui non plus mais c’était un truc important, y a longtemps. Puis, si on remonte un peu plus loin dans le passé, Senzo serait un descendant de Genghis Khan. Oui. Genghis. Khan. Ma main à couper qu’en remontant encore un peu, son ancêtre a été crucifié par des romains sur une obscure colline. Après tout ça, pas étonnant que Frank fasse marcher un handicapé. Evidemment, personne d’autre que lui n’a jamais entendu parler de ce mystérieux descendant d’une lignée de quarante générations de guerriers ninjas dont Dux serait le dernier maillon et le premier non japonais.

« Tu n’es pas japonais, tu n’es pas un Tanaka. »

Tout ça n’est que le début des bobards. Plus on avance, plus les mythos se multiplient. Tous les citer n’aurait aucun sens et une équipe de cent journalistes travaillant à plein temps pendant une année serait nécessaire. On va juste en énumérer quelques uns, histoire de bien cerner un type qui plus proche de Serge Benamou ou Remy Gaillard que de Bruce Lee ou Wong Fei Hong. Voici quelques uns des gros mythos de Franky, le numéro trois va vous étonner :

– Il aurait combattu des pirates philippins pour sauver des orphelins kidnappés. Franky… Okay, les pirates ne sont pas forcément plus futés qu’un militant H2L mais tout de même… Kidnapper des orphelins pour demander une rançon ? Des orphelins ? Vraiment Franky ?

– Franky détiendrait une chiée de records officiels dans le monde des arts martiaux dont certains défient les lois de la physique. Bien sûr, rien de tout cela n’a jamais été homologué par aucune fédération officielle. Frank te répond que c’est normal, tout ça eut lieu durant des tournois clandestins. Bon, clandestins certes, mais avec des instruments de mesure de la vitesse des coups portés digne de la Nasa.

– Franky, lors d’une démonstration de casse à Paris Bercy, aurait, sous contrôle d’huissiers, déglingué à coups de poings des pare-brises et une vitre blindée. Des années plus tard, certains de ses assistants, dont un prestidigitateur, ont balancés que tout ceci était complètement chiqué et que la vitre blindée était en fait composée de sucre. De sources anonymes affirment que l’huissier présent ce jour-là était maître Tunousprendaispasunpeupourdesbuses.

– Frank serait détenteur d’une médaille d’honneur de l’armée américaine obtenue après des missions spéciales pour le compte de la CIA réalisées au Nicaragua, en Asie du Sud-Est, en Iran et chez les méchants russkoffs. Bien sûr, personne d’autre que lui ne peut confirmer tout ça. Vous voulez faire marrer un agent de la CIA ? Prononcez le nom de Frank Dux. Pour montrer à quel point est un bras cassé de première, la seule blessure de guerre qui lui soit officiellement reconnue est une douleur au dos occasionnée lors d’une chute dans l’atelier de l’armée pendant qu’il repeignait un camion. Badass.


En fait Dux est un gars qui se vend comme le type qui a mis Michael Jordan, cette crevure, à l’amende en un contre un dans un tournoi de death basket hyper underground au Tadjikistan alors qu’en fait, au mieux, c’est un Delonte West. D’ailleurs m’est d’avis que c’est Dux qui a baisé la mère de LeBron. Ce qu’on peut conclure de tout ça c’est que Dux est clairement un attardé mental avec la voix de Sangoku qui s’est inventé une vie de héros ninja histoire de s’occuper. Le pire c’est que ça a pris. Tout un tas de personnes encore plus stupides que lui ont gobé ces mensonges. Bon, grâce à ces imbéciles, Bloodsport est né donc bienheureux les faibles d’esprits.

« Il y a absolument tout ce qu’on aime du cinéma des années 1980 dans Bloodsport »

Tout cela n’y change pourtant rien, mon amour pour Bloodsport est aussi vrai que la vie de Frank Dux est fausse. Bloodsport reste toujours le plus beau des films de Jean-Claude car les muscles de Bruxelles y sont d’une beauté encore virginale. Il y a absolument tout ce qu’on aime du cinéma des années 1980 dans Bloodsport : des montages cools, une BO qui claque, des comédiens de doublage approximatifs, des scénarii des trois lignes, des combats, des lubriques et méchants étrangers (une pensée pour le noir qui combat en imitant le singe et casse des noix de coco avec sa main) et un peu (beaucoup) de racisme décomplexé comme quand Ray Jackson balance « Toi le chimpanzé, remonte dans ton cocotier » à un Forrest Whitaker débutant. Il faut l’entendre pour le croire. Puis ça n’a pas de sens, les chimpanzés ne grimpent pas aux cocotiers.

Pêle-mêle on y trouve aussi une belle vision de la femme via ce personnage de cette pu?t?e? journaliste chaudière prête à coucher avec un horrible vieux chinois, dès que JC l’a bazardée comme un kleenex après avoir trempé sa nouille, pour rédiger son article. Plein de petits moments magnifiques, de petits détails qui font le sel des grands films : Chong Li qui ne pige pas un mot de ce qu’on lui raconte, Forrest Whitaker bouffe du chien, Jean-Claude met douze heures pour remonter son petit slibard rouge, Jean-Claude fait le grand écart partout, Paco imite Sarkozy lorsqu’il combat et enfin le final crypto-gay dans la chambre de Jackson.

Pour toutes ces raisons et une centaine d’autres, Bloodsport est mon film préféré de toute l’histoire du cinéma. Tous les coups sont permis, c’est pour ça que ça s’appelle Bloodsport ! OK USA ! 

source : fier-panda.fr